Le chat n’appartenait à personne, mais tout le monde le reconnaissait. Gris tacheté, les yeux jaune pâle comme du vieux miel. Il passait ses journées à se faufiler dans la cuisine, entre les chaussures, les jambes et dans le silence. Et cet après-midi-là, il passa rapidement devant Nino. Puis il s’arrêta pour s’assurer qu’il le suivrait. Et Nino le suivit par habitude. Comme un fil invisible tiré entre deux instincts.
Le garçon avait ce don pour se fondre dans les décors. Ses pas étaient silencieux, sa respiration toujours discrète. Le souffle court et le cœur battant à tout romple, il avançait comme l’ombre d’une pensée. Ses cheveux châtains courts frôlaient parfois les murs blancs, et il les lissait machinalement d’un revers de main.
Le chat glissa entre deux étagères du couloir de l’aile ouest. Nino fronça les sourcils, intrigué. Il n’y avait pas d’issue ici. Juste un mur de pierre et des poutres. Mais le félin disparut… littéralement. Une seconde plus tard, un léger grincement se fit entendre.
Nino s’arrêta, regarda par-dessus son épaule. Personne ne l’avait suivi. Il s’approcha lentement, prudent. Ses yeux noisette, toujours en mouvement, analysaient les formes, les ombres, les traces. Il tendit les mains, caressant les reliefs du mur. Ses doigts rencontrèrent une dalle légèrement décalée. Il fronça les sourcils, effleurant les contours et sa surface. Il appuya dessus, involontairement. Click.
Un pan du mur recula d’un centimètre. Puis pivota devant le regard incrédule de Nino. Son cœur manqua un battement. Son ventre se noua.
Un souffle d’air chaud et poussiéreux s’échappa. Son loup repéra un mélange d’odeurs de métal, de rouille et de renfermé. Le passage était étroit, mais Nino ne recula pas. Il se glissa à l’intérieur, l’oreille aux aguets, les doigts frôlant la paroi rugueuse.
Il descendit l’escalier de pierre en colimaçon, rongé par l’humidité. Des racines s’infiltraient dans les interstices, comme des veines cherchant un cœur oublié.
En bas, l’air changea, plus dense. Nino s’arrêta le cœur battant à tout rompre. Il ralentit sa respiration et tendit l’oreille. Il n’y avait personne, comme si cet endroit était abandonné depuis longtemps.
Il continua d’avancer prudemment. Il déboucha dans un long passage souterrain, dissimulé sous les fondations du château. Il le suivi ses yeux lupins brillant dans le noir. Une grande pièce circulaire s’ouvrait devant le garçon. Les murs étaient incrustés de vieilles structures en métal, de câbles rongés, de plaques rouillées. Mais au fond… il y avait une porte immense et solide.
Elle était partiellement recouverte de lierre desséché. Des racines, épaisses comme son poignet, serpentaient autour, comme si la nature avait tenté de la cacher au monde.
Nino s’approcha doucement. Il ne toucha rien. Il regardait. Il mémorisait chaque détail de l’endroit. Il écoutait le bruit du silence et l’écho de son propre souffle. Cet endroit possédait son histoire, sa mémoire. Nino ressentait son énergie vibrer doucement dans le sol. Il la ressentait dans sa magie. Mais il n’avait pas peur.
L’adrénaline coulait dans ses veines. Il ressentait une certaine excitation, mais surtout le pressentiment d’avoir fait une découverte importante.
Il repartit aussi discrètement qu’il était arrivé, sans se presser. Il remonta l’escalier en colimaçon. Il poussa la dalle pour ouvrir le passage. Puis l’oreille tendue, il s’assura que personne ne le surprendrait. Sa main se posa sur la dalle, en sortant, il appuya.
Puis il se mit à courir dans la lumière tamisée du couloir. Nino devait prévenir Charles.
